SPI / USPA – SÉRIES : QUELS ESPACES POUR LE RENOUVELLEMENT DES TALENTS ? 


Le 18 septembre 2025, notre directrice générale Pauline Rocafull participait à une table ronde organisée par le Syndicat des Producteurs indépendants (SPI) et l’Union Syndicale de la Production Audiovisuelle (USPA) au Festival de la Fiction à La Rochelle, autour du renouvellement des talents dans l’audiovisuel français.  


Rendez-vous incontournable de l’audiovisuel, le Festival de la Fiction – dont on fêtait la 27ème édition – offre chaque année un espace de discussion privilégié à tous les professionnels du secteur. 

Un objectif incarné par la table ronde du SPI et de l’USPA, qui a permis d’engager un échange entre les auteurs, autrices, réalisateurs et réalisatrices, producteurs et productrices autour de l’un des plus grands défis de l’audiovisuel français : s’affirmer comme un espace d’expression et de renouvellement des talents. 

Les professionnels Charlotte Sanson (scénariste et réalisatrice des séries Les 7 Vies de Léa et Pécheresses), Déborah Hassoun (scénariste et réalisatrice, directrice d’écriture de Skam France saisons 9 et 10), Louis Farge (réalisateur de la série Follow), Antonin Ehrenberg (producteur, Patafilm) et Noor Sadar (producteur et fondateur de White Lion Films) ont également pris part à la table ronde, modérée par François-Pier Pélinard-Lambert (rédacteur en chef du Film français).  

L’événement s’inscrivait dans le cadre de la publication, dans Le Film français, d’une lettre ouverte aux diffuseurs, aux plateformes et aux pouvoirs publics pour “réaffirmer ensemble l’importance des séries créatives et ambitieuses à budget maîtrisé”. Elle a été signée par de nombreux scénaristes et réalisateurs dont le président de la Cité, Thomas Bidegain, et plusieurs syndicats de producteurs.  


Pourquoi le secteur tire-t-il la sonnette d’alarme et quels leviers d’action s’offrent à nous pour protéger la création ? Deux questions essentielles, qui ont guidé la discussion. 

LES ANNÉES 1990-2000, ELDORADO DE LA CRÉATIVITÉ ? 

Les années 1990 et 2000 ont fait figure d’eldorado pour les jeunes talents de l’audiovisuel. A cette période, ils font leurs armes sur les séries au format 26 minutes, dites “à budget maîtrisé” et souvent destinées au public ado/jeunes adultes. La cible 12-25 ans est alors au cœur des politiques de développement des diffuseurs, y compris publics. En 2001, France Télévisions lance par exemple l’émission KD2A – supprimée en 2009 – dans laquelle sont diffusées les séries pour ados Coeur Océan et Foudre (qui représentent environ 20% de part d’audience). 

“J’ai pu entrer dans le métier de scénariste grâce à des séries comme Foudre et Cœur Océan, sur lesquelles travaillaient principalement de jeunes auteurs comme moi.”
Déborah Hassoun

A la fin des années 2000, OCS se positionne sur le marché des séries à budget maîtrisé avec le label OCS Signature, qui donne naissance à plusieurs séries à caractère humoristique, comme France Kbek,  Lazy Company ou In America, aujourd’hui cultes.  

Et si les invités de la table ronde défendent ces espaces de création, c’est parce que la majorité d’entre eux, devenus des scénaristes, réalisateurs / réalisatrices et producteurs confirmés, se sont formés grâce à eux. Noor Sadar a produit France Kbek (OCS), Déborah Hassoun a démarré sur Coeur Océan (France Télévisions) et In America (OCS) et Charlotte Sanson a créé la série Netflix Les 7 Vies de Léa, avec Empreinte Digitale, société de production de Lazy Company (OCS).  

“S’il n’y avait pas eu le laboratoire OCS, nous ne serions pas là. Il nous a offert un espace de création, de liberté et d’expérimentation, avec des séries destinées à un public très large, pas uniquement à la cible ados / jeunes adultes”.

Noor Sadar

Louis Farge, réalisateur de Follow, primée à La Rochelle en 2023, de Culte (Banijay) et de la série Arte Eldorado, annoncée pour 2026, a pour, sa part, démarré avec le format Web Studio Bagel – à budget restreint lui aussi –. Une expérience déterminante pour la suite de son parcours. 

“Ça m’a appris à dialoguer avec les rooms d’écriture, à prendre des risques dans mes propositions. Aucun de nous n’aurait eu la confiance de plus gros diffuseurs s’il n’avait pas fait ces œuvres-là.
Louis Farge

Véritables laboratoires pour la formation des auteurs, ces séries à budget restreint ont aussi réussi à capter les tendances et à toucher le public jeune.  

Pourtant, ces dernières années, et en dépit de leur succès, ces séries sont moins nombreuses. Cela signifie-t-il pour autant que les espaces d’expérimentation audiovisuelle n’existent plus ? Comment continuer à encourager la création et la liberté de ton à l’ère des plateformes ? Les invités de la table ronde nous ont donné quelques pistes de réponse.  


AGIR COLLECTIVEMENT POUR PRÉSERVER LA CRÉATION AUDIOVISUELLE  

  L’essor du streaming a obligé les diffuseurs à déployer une nouvelle stratégie à destination du public adolescent / jeunes adultes. En 2018, France Télévisions lance france.tv slash, première plateforme entièrement numérique du diffuseur, avec des contenus fictions ciblant les 15-30 ans, dont la très remarquée Skam France – dont Déborah Hassoun a été la directrice de collection en saisons 9 et 10 – ou encore Askip. Ces séries permettent aux auteurs et autrices d’aborder des sujets sensibles, essentiels pour des contenus destinés aux adolescents1, avec une liberté de ton plus grande que sur des contenus diffusés en prime.  

 Aspergirl, produite par Antonin Ehrenberg (Patafilm), et diffusée par OCS, ou le très récent succès Samuel, production Arte Créations Numériques, sont d’autres exemples de séries saluées pour leur caractère innovant.  

Aussi vertueuses soient-elles, les séries à budget maîtrisé ne peuvent cependant pas être les seuls tremplins des jeunes auteurs. Pour Pauline Rocafull, directrice générale de la Cité, il est essentiel que les plus grosses productions permettent elles aussi l’insertion des talents.

Une mission que le Centre de compagnonnage de la Cité – cocréé avec l’Afdas, et grâce au partenariat avec France Télévisions, Canal +, TF1, Studio TF1, Banijay, Mediawan, Arte, Xilam, le soutien financier du CNC et du ministère de la Culture et l’accompagnement opérationnel de l’USPA – remplit chaque année, à l’échelle du territoire national.

Tous les ans, plusieurs promotions de scénaristes apprenants sont formés par la Cité. Après une phase de cours théoriques d’un mois, ils sont chacun associés à un ou une scénariste senior – qu »on appelle « compagnon » ou « compagnonne » -, qui les accueille en observation sur leurs projets d’écriture.  

 “Avec la Cité, nous généralisons cet espace d’expérimentation à toute la fiction. Il faudrait que l’ensemble de l’audiovisuel soit propice à la formation des auteurs, que cela ne dépende pas uniquement de quelques œuvres.”
Pauline Rocafull 

A travers le dispositif du compagnonnage, les jeunes talents découvrent le métier de scénariste mais également d’autres rôles-clés pour la room, comme le poste de coordinateur/trice d’écriture.  

“Avec le temps, on a appris à mieux s’organiser en room. Aujourd’hui, il y a quasiment systématiquement, sur chaque projet, un coordinateur ou une coordinatrice d’écriture. C’est un système vertueux parce que ça permet aux jeunes de se former sans être tout de suite sur le grill. Pour ma série, j’ai d’ailleurs recruté à ce poste une personne rencontrée à la Cité européenne des scénaristes, où j’intervenais.”
Charlotte Sanson 


La capacité de notre secteur audiovisuel à se renouveler, à capter les tendances, tout en laissant la liberté aux jeunes talents de s’exprimer et de se former, ne peut pas reposer sur une poignée de projets. Elle doit s’incarner partout, y compris dans les plus grosses productions à destination du prime, comme les quotidiennes. Et doit être portée par l’ensemble des professionnels, de l’écriture jusqu’à la diffusion, en passant par la production. 

“Plus on rapproche les acteurs en présence, diffuseurs, plateformes, producteurs et auteurs, plus la création est riche et large. Nous avons tous envie de créer LA pépite. Il faut que les systèmes d’aide à la création intègrent davantage cette coopération.”
Pauline Rocafull

Une conclusion partagée par l’ensemble des invités et qui laisse espérer des collaborations fructueuses, sur des séries à budget restreint comme sur de plus gros projets. Des œuvres, qui, chacune à leur échelle, nous prouveront que l’audiovisuel a encore de très beaux jours devant lui et des milliers d’opportunités à offrir aux jeunes talents.  

La Cité européenne des scénaristes remercie chaleureusement Le Festival de la Fiction, l’USPA, le SPI et Le Film français pour leur confiance ainsi que tous les invités pour cette discussion passionnante.  

Lire aussi


Rencontre Pitchs avec Banijay !

Le 8 avril 2025, dix Alumni de la Cité ont eu l’opportunité de présenter sept projets inédits à l’ensemble des producteurs de fiction de Banijay France, lors d’une […]