Les récits culinaires au service du tourisme


Les films gastronomiques pour raconter une culture

Les films gastronomiques offrent une porte d’entrée sur les coutumes culinaires d’un pays, mais également sur la culture d’un pays dans son ensemble1.

C’est par exemple le cas du film japonais Tampopo (1985) écrit et réalisé par Jūzō Itami, le premier “western-ramen” (en hommage au western spaghetti italien). Dans ce film on suit la quête de la restauratrice Tampopo : trouver la recette de la soupe de nouilles parfaite.

Derrière ce pitch de comédie, le réalisateur utilise la cuisine pour raconter plus globalement son pays, et cela de deux manières :

  • Le réalisateur explique la manière dont les aliments japonais sont préparés et consommés ;
  • Tous les aliments représentés dans le film correspondent à une classe sociale de la société japonaise2.

Dans leur thèse Gastronomy-Themed Movies, Hakan Yılmaz et Aysun Yüksel soulignent ainsi que le statut social et les interactions sont suggérés par la nourriture plutôt que par le récit direct.

Les Délices de Tokyo (2015) de Naomi Kawase utilise le même procédé. Le film raconte l’histoire de Sentaro, un homme solitaire qui tient une petite boutique de dorayaki (des pâtisseries japonaises remplies de pâte de haricots rouges sucrée), et Tokue, une femme âgée qui lui propose de l’aider avec ses recettes de anko (pâte de haricots rouges).

Naomi Kawase utilise donc la cuisine pour raconter sa société, et notamment les conditions de vie des personnes âgées et marginalisées.

Un autre film récent a utilisé la gastronomie pour raconter sa société : The Lunchbox (2013), écrit et réalisé par Ritesh Batra. Suite à une erreur de livraison des Dabbawalas (le service de livraison des lunchbox dans les mégalopoles indiennes), une femme au foyer négligée et un comptable veuf à l’approche de la retraite en viennent à échanger autour de ces déjeuners livrés tous les jours. Leurs deux solitudes dans cette ville vibrante s’estompent à travers l’amour que met Ila dans ses plats, et pour Saajan dans le sentiment qu’à nouveau quelqu’un prend soin de lui.

L’impact des films gastronomiques sur le tourisme

Depuis les années 2000, il y a une réelle corrélation entre le succès d’un film gastronomique, culinaire ou vinicole, et l’augmentation de l’intérêt touristique pour la région mise en valeur à travers sa cuisine locale.

Sideways (2004), écrit par Jim Taylor et Alexander Payne, raconte l’histoire de ces deux amis qui s’offrent un voyage vinicole dans les vignobles de la vallée de Santa Ynez en Californie et enchaînent les tournées des caves.

Le film a remporté l’Oscar du meilleur scénario adapté en 2005 et a été nommé dans quatre autres catégories (dont Meilleur Film), mais il y a un autre grand gagnant dans ce film : la Californie.

En effet, selon une étude de 2006 publiée par l’Association for Tourism and Leisure Education (ATLAS), le tourisme dans la région a augmenté de 9% après la sortie du film, et selon une étude de la California Wine Institute, les ventes de Pinot Noir ont augmenté de plus de 18% l’année suivante.

Mais s’il y a bien un pays dont la gastronomie est régulièrement mise en avant dans l’imaginaire des cinéastes américains, et devient donc un réel moteur touristique, c’est la France.

La gastronomie française vuE par les cinéastes anglo-saxons

Dans les années 2000, trois films anglo-saxons ont particulièrement mis en valeur la gastronomie française avec de réels impacts sur le tourisme culinaire en France.

Tout d’abord, Le Chocolat (2000) écrit par Robert Nelson Jacobs et réalisé par Lasse Hallström. Dans ce film, un petit village français marqué par les traditions et les pesanteurs de la religion va être bouleversé par l’ouverture d’une chocolaterie. Tourné dans la commune bourguignonne de Flavigny-sur-Ozerain, le film sera nommé pour cinq Oscar en 2001.

Douze ans après la sortie du film, le maire de la commune, Dominique Bondivena, confie au Journal de Saône-et-Loire que de nombreux touristes étrangers viennent retrouver l’ambiance et les décors du film : « Nous avons d’ailleurs mis en place une signalétique particulière, pour que les touristes retrouvent facilement la petite boutique au cœur du film ».

Ensuite, il y a bien évidemment Ratatouille (2007) de Pixar, écrit par Brad Bird, Jan Pinkava et Jim Capobianco. Le Chicago Tribune parle de véritable “Ratatouille Effect” dans son article “L’Effet Ratatouille : Maman, on peut manger français ce soir ?”. Après la sortie du film, les restaurants français installés aux Etats-Unis ont vu leurs nombres de réservations augmenter.

Enfin, on peut citer Julie & Julia (2009), écrite et réalisée par Nora Ephron, qui raconte en partie la vie de Julia Child, cette cheffe qui a introduit la cuisine française aux Américains dans les années 1960. Le film a non seulement relancé3 les ventes de l’ouvrage de Julia Child Mastering the Art of French Cooking, mais a également permis aux écoles de cuisine proposant des cours sur les techniques françaises classiques de voir leurs réservations augmenter4.

Les films anglo-saxons au service du soft power culinaire français !


Avatar de Pauline Mauroux

Scénariste et autrice, Pauline Mauroux est responsable éditoriale de la Revue de la Cité. Elle est également la créatrice de « tchik tchak, la newsletter sur l’écriture ».


  1. Yılmaz, H., & Yüksel, A. (2021). Gastronomy Themed Movies. Journal of Tourism Leisure and Hospitality, 3(2), 129-137. ↩︎
  2. Ashkenazi, M. (2004). Food, play, business, and the image of Japan in Itami Juzo’s Tampopo & A. L. Bower (Ed), Reel food: essays on food and film. Abingdon: Routledge Taylor & Francis Group. ↩︎
  3. https://abcnews.go.com/Business/JuliaChild/julia-child-book-sales-julie-julia-movie/story?id=8305418 ↩︎
  4. https://www.theguardian.com/film/2009/aug/11/julie-julia-child-recipe-books ↩︎

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