Dans le cadre du concours Butterfly 2050, initié par le Secrétariat Général pour l’Investissement et opéré conjointement par la Cité et la Caisse des dépôts et des consignations, nous vous proposons des contenus additionnels sur la prospective, son histoire et ses usages.
En savoir + sur Butterfly 2050 : https://cite-europeenne-des-scenaristes.com/lancement-de-la-saison-2-du-concours-butterfly-2050-dessine-ton-futur/
Selon le dictionnaire Robert, la prospective est “l’ensemble des recherches concernant l’évolution future des sociétés modernes, et permettant de dégager des éléments de prévision”.
Cette définition souligne l’aspect scientifique de cette démarche, mais la prospective va au-delà de la simple prévision : elle vise à imaginer et construire des futurs possibles.
Jacques Theys, vice-président de la Société française de Prospective, la définit ainsi :
“la prospective n’est que la forme la plus récente des attitudes face à l’avenir qui ont été de tout temps propres à la condition humaine »
Un avenir à inventer et non à découvrir
Contrairement aux arts divinatoires et aux modèles de prévision fondés sur l’extrapolation linéaire du présent, la prospective repose sur une philosophie de l’action et de la liberté, et refuse toute forme de déterminisme. Selon Christine Afriat, vice-présidente de la Société française de prospective :
“Elle ne veut pas deviner, mais construire.”
Cela signifie que la prospective ne se contente pas de prévoir des tendances futures, mais cherche à intervenir dans le processus de création du futur. Il s’agit de prendre en compte les données actuelles et les dynamiques passées pour imaginer des avenirs alternatifs, tout en incitant à une attitude proactive plutôt que résignée.
La prospective peut être résumée à deux grands objectifs :
- Anticiper pour maîtriser l’incertitude : cela implique de réduire les incertitudes en anticipant les tendances possibles et en élaborant des stratégies pour les gérer.
- Anticiper pour élargir le champ des possibles : plutôt que de limiter les scénarios à ceux jugés « probables », il s’agit ici d’explorer un large éventail d’avenirs possibles, même les plus improbables. En ce sens, la prospective augmente volontairement l’incertitude pour permettre plus de créativité et de choix.
“La prospective constitue un va-et-vient entre le présent et le futur, non pas pour prédire celui-ci mais plutôt pour aider une société à se construire un avenir désiré.”
Jacques Durand, la méthode des scénarios, 1975
À l’échelle internationale, la prospective stratégique s’est imposée comme un levier majeur de planification et de collaboration dans de grandes organisations telles que l’ONU1, l’OCDE2 ou encore l’Union européenne3, ce qui permet à ces institutions d’anticiper les enjeux mondiaux (changement climatique, transitions énergétiques, sécurité alimentaire, etc.), d’orienter leurs politiques publiques à long terme et de favoriser la coopération entre les États.
Et son meilleur outil ?
Le scénario.
Le scénario comme Exploration des futurs possibleS
Avant toute chose, élaborer un « scénario » en prospective n’a pas les mêmes significations et intentions qu’en dramaturgie.
En prospective, il s’agit d’imaginer et de structurer des mondes possibles à travers des grandes hypothèses.
Ces grandes hypothèses, ces différents scénarios, seront le point de départ pour « mettre en récit », fictionnaliser et incarner ces mondes possibles avec des histoires et des personnages.
Cette phase de « mise en récit » arrive dans un second temps.
Par exemple, l’ADEME (l’Agence de la transition écologique) a développé quatre scénarios prospectifs4 pour atteindre la neutralité carbone en France d’ici 2050, conformément à la loi Energie-Climat.
Ces quatre scénarios de l’ADEME correspondent à quatre hypothèses, quatre mondes différenciés en fonction de leurs degrés de sobriété :
- Génération frugale : l’accent sur la sobriété et les changements de mode de vie.
- Coopérations territoriales : le développement local et économie circulaire.
- Technologies vertes : l’innovation technologique et efficacité énergétique.
- Pari réparateur : le maintien des modes de vie actuels avec compensation carbone
Ces quatre scénarios ne sont donc pas des mises en récit.
Selon Bernard Cazes, pionnier français de la prospective, il existe deux grandes écoles de pensée, l’une américaine, l’autre française :
- L’école des avenirs tendanciels : elle se concentre sur les futurs prévisibles, souvent basés sur les tendances actuelles, comme les évolutions technologiques. Le but est d’accompagner ces tendances pour mieux s’y adapter.
- L’école du carrefour des avenirs (ou des « avenirs alternatifs ») : cette école critique ces tendances prédéfinies et cherche à infléchir ou renverser les trajectoires actuelles. Elle place la prospective dans une posture plus engagée et critique, visant à changer le cours des événements en explorant des alternatives.
Cette dernière approche est particulièrement propice à la créativité, car elle encourage les scénaristes et les penseurs à imaginer des transformations radicales, des mondes différents, et à envisager des solutions inédites.
L’usage du scénario en prospective offre donc une opportunité unique d’élargir notre vision du futur, en considérant toutes les possibilités, même les plus inattendues, afin d’anticiper et de mieux se préparer aux défis de demain.
Pour comprendre l’intérêt et la nécessité de la prospective dans les défis qui nous attendent dans ce XXIe siècle, revenons à ses origines, ancrées elles aussi dans un des plus grands bouleversement du XXe siècle : la Grande Dépression de 1929 aux Etats-Unis.