Butterfly 2050 : Sacha, lauréat de la première édition, lance son projet éducatif « Edu’Co 2050 »



« 2050 » : quel genre de futur cela vous évoque-t-il ? C’est la question que Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement, a posée à 40 jeunes issus de formations d’ingénieur, de designer, de scénario et de la voie professionnelle en mars 2024. A l’issue de trois intenses mois de travail sur la thématique « Apprendre en 2050 », Sacha Bourguet et son équipe (Maissa Benyoussef, Camille Charron et Houssam Enmar), encadrés par Anne Meuleau (enseignante-chercheuse en design industriel à l’Université de technologie de Compiègne) ont présenté leur projet « L’Ecole du nous » qui a remporté le prix « Coup de cœur du jury » en juillet 2024. De retour à l’Université de technologie de Compiègne où il étudie l’ingénierie mécanique et le design industriel, Sacha lance un projet éducatif innovant, Edu’Co 2050, inspiré de son travail dans le cadre du concours Butterfly. Découvrez son interview !

LES ENSEIGNEMENTS BUTTERFLY

Revenons un peu sur ta participation à la première édition du concours Butterfly 2050 Pourquoi avoir participé à Butterfly ? Avais-tu déjà en tête que cela pourrait jouer un rôle dans ta carrière ? 

Sacha Bourguet : Quand Emmanuel Corbasson, responsable de la filière Design de l’UTC, m’a proposé de participer à Butterfly, j’ai immédiatement été très enthousiaste à l’idée de contribuer à concevoir collectivement une « brique » de futur désirable et de partager cette vision avec des décideurs. 

Mes deux premières motivations ont donc été la création et la transmission d’une vision pour l’avenir. Les thématiques éducatives ont toujours occupé une place centrale dans ma pensée, c’était donc une évidence pour moi de choisir la thématique « Apprendre en 2050 ».  

Ma troisième motivation relevait de la curiosité. Je cherche à comprendre le fonctionnement de notre société, et notamment de ses centres de décision, afin d’identifier les points de bascules mobilisables pour répondre aux enjeux sociétaux contemporains. Je souhaitais découvrir le cadre du Secrétariat Général Pour l’Investissement, pour mieux cerner les enjeux de cet organe politique essentiel. 
En ce qui concerne la carrière, l’idée ne m’est pas venue directement, même si c’est une retombée collatérale positive que l’on ne peut ignorer lorsque l’on s’engage dans des projets.

La problématique de l’ « Ecole du nous » s’est-elle imposée dès le début de votre travail en groupe ?  La forte pluridisciplinarité du projet et du groupe, avec des profils d’étudiants qui n’étaient pas issus de la même filière que toi, a-t-elle été un moteur dans votre réflexion ?

S. B : L’éducation est sans doute l’enjeu central pour faire advenir un futur désirable en 2050. C’était une idée partagée dans mon équipe, donc nous avons rapidement su que nous travaillerions sur l’éducation. En revanche, les problématiques propres à « l’Ecole du Nous » ont émergé au cours de nos recherches.  

Nous avons décidé d’initier notre réflexion en lisant beaucoup de contenus sur l’éducation, en interrogeant de nombreux citoyens. J’ai, pour ma part, passé les trois premiers mois à consulter spontanément autour de moi : j’imagine avoir interrogé de manière informelle au moins 300 personnes. Nous avons également creusé le sujet éducatif avec des experts variés, des enseignants et des élèves en décrochage scolaire… La problématique de l’ « Ecole du Nous », « Comment bâtir ensemble une école épanouissante et engageante ? », s’est construite avec ce grand collectif citoyen partiellement informel et spontané.  

La variété des profils est toujours une force pour un groupe, tant que la communication est fluide et constructive. L’enjeu premier a donc été de créer un cadre de coopération dans lequel nous pourrions tirer meilleur parti de la variété de nos visions et de nos compétences. Anne Meuleau, l’enseignante de l’UTC qui nous a accompagnés, a été d’une grande aide pour instaurer ce cadre d’intelligence collective. Cette base posée, nos visions, nos compétences et nos personnalités complémentaires se sont montrées essentielles à la construction d’une réflexion systémique et ancrée dans le réel.  

LE TRAVAIL DE RECHERCHE POUR EDU’CO 2050 

Qu’est-ce-qui t’a motivé à pousser la réflexion autour de « l’Ecole du nous” plus loin ? L’initiative Edu’Co 2050 est-elle le pur prolongement du scénario prospectif Butterfly ? Prend-elle des libertés par rapport au travail de réflexion mené dans le cadre du concours ?  

S. B :  L’école devrait être un merveilleux lieu de construction personnelle et sociale. Apprendre, c’est une chose magique, c’est étendre ses capacités et affiner sa pensée. Mais aujourd’hui, combien d’élèves vivent l’école comme ce lieu merveilleux qu’elle devrait être ? Combien d’enseignants ?  

Ecrire l’ « Ecole du Nous » m’a permis d’identifier des leviers concrets pour changer l’école. Ne pas actionner ces leviers, philosophiquement, ce serait abandonner tous ceux qui ne vivent pas encore l’école comme un lieu merveilleux. Alors bien entendu, ce ne sont pas des solutions magiques. L’enjeu, aujourd’hui, c’est de structurer cette énergie collective et je crois que les leviers de l’« Ecole du Nous » peuvent y participer.  

J’ai fondé Edu’Co 2050 pour mettre en œuvre la transformation collaborative et décentralisée proposée par l’ « Ecole du Nous« , menée par et pour les acteurs de terrain. Nous ne savons pas quelle forme prendra la transformation dans chaque contexte spécifique, en revanche nous souhaitons que cette transformation soit démocratique et équitable et nous donnons des outils aux acteurs de terrain pour qu’elle le soit.     

Dans l’optique de bâtir l’école de demain avec ceux qui la vivent au quotidien, nous recrutons des enseignants, des élèves et des chefs d’établissement dans nos équipes. En parallèle, nous constituons un conseil scientifique composé de chercheurs et de doctorants affiliés à nos domaines d’action, ce qui nous permettra de nous appuyer sur des solutions approuvées par la recherche et éprouvées par le terrain. 

Pourrais-tu nous résumer le projet entrepreneurial Edu’Co 2050 ? A quelles problématiques souhaites-tu répondre à travers ce projet ? Quels profils t’ont déjà rejoint dans l’aventure ? Qu’espères-tu pour cette première année de lancement et à quelle échelle souhaites-tu intervenir dans un premier temps ? 

S. B : Edu’Co 2050 outille ceux qui vivent l’école au quotidien pour réinventer un cadre scolaire épanouissant et engageant. 

Si l’on regarde du côté de la recherche, il existe des myriades de manières d’apprendre épanouissantes et engageantes ayant fait leurs preuves dans des contextes variés. L’enjeu de l’école aujourd’hui est de passer à l’échelle les solutions existantes. L’enjeu de l’école aujourd’hui est de passer à l’échelle des solutions existantes, en prenant en compte la singularité de chaque contexte éducatif. 

Concevoir collectivement et mettre en pratique des méthodes pédagogiques répondant aux besoins des enseignants et des élèves est un vrai challenge dans le cadre des contraintes de terrain. Edu’Co 2050 développe des outils pour faciliter le quotidien des enseignants et pour fluidifier la réinvention collective par la classe, pour la classe, du cadre d’apprentissage. Notre premier dispositif est un parcours de co-construction pédagogique qui permet à une classe d’ajuster progressivement et démocratiquement son organisation, en expérimentant chaque semaine quelques propositions portées par les élèves.   

Edu’Co 2050 compte aujourd’hui une dizaine de membres actifs, de profils variés : enseignants, entrepreneurs, étudiants, élèves… Nous visons à agrandir l’équipe afin d’intégrer de nombreux regards croisés, riches de leur expérience propre, à chaque étape du projet.   

Maintenant qu’une première équipe opérationnelle est recrutée, nous nous préparons à expérimenter localement nos dispositifs auprès d’établissements pilotes. Cette première année est dédiée à la réalisation d’une preuve de concept empirique, l’objectif étant parallèlement d’obtenir une validation scientifique de la démarche, qui demandera sans doute d’avantage de temps.

UN PROJET SUR LE LONG TERME ?

Comment aimerais-tu voir évoluer Edu’Co d’ici 2030 ? Tu as intégré 2050 au nom du projet, pourquoi avoir choisi cette projection à +25 ans ?  Enfin, si l’on te donnait la possibilité de dessiner l’école de 2050 : à quoi ressemblerait-elle ? 

S. B : Comme évoqué plus tôt, l’enjeu majeur est de passer à l’échelle de la mise en place de modalités pédagogiques épanouissantes et engageantes.  

Une fois que nous aurons établi scientifiquement la capacité de nos premiers dispositifs à fluidifier la réinvention pédagogique en classe, nous perfectionnerons ces dispositifs pour que les acteurs de terrain puissent se les approprier et les utiliser en autonomie à travers des kits appropriables by design, qui leur donneront accès à toutes les ressources nécessaires pour initier une « co-métamorphose » de leurs classes. Ensuite, chaque équipe pédagogique ayant bénéficié d’un dispositif sera encouragée à le partager à d’autres équipes pédagogiques, et ainsi de suite.
La clé pour une diffusion exponentielle, c’est que chaque bénéficiaire puisse être ambassadeur, à condition de rendre la transmission des ressources fluide et même plaisante.
 

En 2030, dans le cas idéal où nous aurons trouvé les bons partenaires et publié des articles approuvant l’efficacité des premiers kits de co-construction pédagogique, nous aurons réuni une grande équipe d’enseignants, d’élèves et de parents ambassadeurs qui auront bénéficié des kits et les partageront en autonomie, sur la base de leur expérience personnelle et de leur efficacité. La prochaine étape serait alors sans doute d’organiser, de concert avec les acteurs publics, une grande convention citoyenne pour l’éducation, et d’intégrer aux formations initiales et continues des enseignants, des modules d’enseignements sur la co-construction pédagogique. 

Selon moi, en 2050, il n’y aura pas « une » école, mais « des » écoles, puisque chaque établissement est en amélioration continue perpétuelle, traçant sa voie singulière. Les enseignants seront formés à construire des relations pédagogiques de confiance, et à instaurer un cadre d’intelligence collective dans lequel les élèves peuvent adapter leur manière d’apprendre à leurs besoins et à leurs aspirations. Ce sera donc un système scolaire à la pédagogie dynamique et résolument décentralisée car co-construite par et pour ceux qui la vivent au quotidien. Dans ce cadre engageant, les élèves développeront avec confiance les compétences du XXIe siècle.

Pour conclure, avec Edu’Co 2050, j’aimerais participer à tracer un itinéraire vers ce futur en 2050 dans lequel chaque élève s’épanouit et se construit à l’école en citoyen altruiste, capable, lucide et engagé. 

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