Butterfly 2050 : façonner l’avenir par l’imagination et l’innovation



« 2050 » : quel genre de futur cela vous évoque-t-il ? C’est la question que Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement, a posée à 40 jeunes issus de formations d’ingénieur, de designer, de scénario et de la voie professionnelle en mars dernier. Ils et elles ont 3 mois pour écrire leur futur, celui qui les fait rêver, celui qui les passionne, celui qui les réunit. Convaincue que, dans un monde en constante évolution, marqué par les défis économiques, sociétaux, environnementaux, il est essentiel de continuer à inventer des histoires, la Cité européenne des scénaristes a rejoint l’équipe projet de cette belle aventure pilotée par Nathalie Becoulet et dont le nom de code est Butterfly 2050. 

Alors que ce lundi 13 mai, se tient une journée en présence des 40 étudiants et étudiantes et des experts associés au projet, retrouvez une interview de deux référents d’équipe : Olivier Vandard, directeur adjoint auprès du SGPI en charge de l’éducation, de la jeunesse et de la formation professionnelle, et Joël Petitjean, scénariste et chef de projet sur le programme Boosting Impact dont la Cité est également partenaire. Chacun d’eux anime un groupe d’étudiants et d’étudiantes et les accompagne dans leur réflexion sur l’une des thématiques pivots du projet Butterfly : Bien Vivre, Habiter et Apprendre en 2050

  • Qu’est-ce-qui vous a motivé à rejoindre le projet Butterfly ? 

OLIVIER VANDARD :  Trois raisons principales motivent mon engagement. Tout d’abord, ma grande confiance en la jeunesse. Au-delà des clichés d’une jeunesse paresseuse et obsédée par les réseaux sociaux, je crois en sa capacité de résilience et en sa conscience du monde. Elle pose les bases d’un avenir plus écoresponsable et solidaire. Butterfly, par sa promesse de se projeter dans un monde désirable, représentait pour moi une occasion extraordinaire de mettre en pratique ma confiance en notre jeunesse. 

Deuxièmement, le format de conception permettant à des jeunes de formations académiques très différentes de travailler ensemble et de partager leurs compétences est une véritable plus-value. Cela permet de concevoir et de générer de la richesse. 

Enfin, dans un monde en perpétuel mouvement, prendre le temps de réfléchir à ce que nous voulons, ce que nous pouvons et ce que nous devons faire pour y arriver est une expérience unique. Je voulais être aux côtés de ces jeunes, à la juste hauteur, pour rendre cette démarche possible. 

JOEL PETITJEAN : Tout projet qui nécessite des compétences scénaristiques m’intéresse. Au-delà de cet aspect personnel, la prospective écologique et technologique s’avère passionnante. Et j’étais également curieux de rencontrer cette génération de jeunes que je côtoie peu, d’essayer de comprendre leurs aspirations et inquiétudes. Pour certains, par exemple, l’IA est source d’angoisse.   

  • Sur quelles thématiques travaillent vos groupes ?

J. P : Nous travaillons sur « Bien vivre en 2050 ». Autant dire que le spectre des possibles est très large, ce qui apporte une difficulté supplémentaire. Quels aspects du « bien vivre » devons-nous choisir ? Quelles innovations sont envisageables et plus ou moins crédibles ? Autant de questions sur lesquelles nous réfléchissons depuis le lancement du projet.  

O. V : Notre groupe travaille sur la thématique de l’apprentissage en 2050. J’ai choisi ce thème car, après avoir travaillé 25 ans dans différentes fonctions au sein de l’éducation nationale, j’ai pu constater à la fois les forces et les limites de notre système éducatif, sans pour autant en être complètement prisonnier. 

  • Quelle méthode de travail avez-vous adoptée avec les étudiants ?  

O. V : Tout d’abord, la création d’un lien de confiance mutuelle permettant la prise de parole et l’expression libre. Ensuite, des temps communs, une fois par semaine, et l’incitation à travailler seul·e. Tout cela représente un travail de longue haleine et un équilibre fragile qui doit prendre en compte les contraintes et les états de chacun et chacune. 

J. P : Après s’être assuré qu’ils avaient bien compris la nature de ce qui leur était demandé, nous avons très logiquement ouvert une phase de divergence, un brainstorming qui partait volontairement dans tous les sens. Quand une amorce de concept s’est esquissée, je les ai aiguillés vers des méthodes narratives de base : avant de réfléchir à un personnage et une histoire, il est nécessaire de savoir dans quel contexte et quelle arène on se trouve. Pour que ce projet soit le leur, la position du référent doit, à mon sens, répondre à un équilibre entre savoir s’effacer et servir de garde-fou quand cela s’avère nécessaire. Etant toutes et tous étudiants, ils sont dans une phase intellectuelle très ascendante. Ecouter, donner certaines impulsions, canaliser et combler les compétences scénaristiques qui leur manquent est l’essentiel de mon rôle.  

  • En quoi l’écriture de scénario peut-elle nous aider à penser l’avenir ?  

J. P : L’écriture de scénario est seulement une des formes d’expression de la fiction. En quoi la fiction peut-elle aider à penser l’avenir ? Il faudrait une thèse pour répondre à cette question. Il y a cependant une forme de fiction qui le fait depuis sa naissance : la science-fiction. On pense bien sûr à Asimov et ses lois de la robotique. Un des meilleurs exemples reste l’IA (ses apports possibles et ses éventuels dangers). Les auteurs de science-fiction l’ont depuis longtemps traitée sans attendre les premières réponses hasardeuses de ChatGPT.  

O. V : À mon sens, il s’agit d’une ouverture vers un potentiel illimité. Le fait de « ra-conter », d’imaginer et de produire un récit encourage à oser et à franchir les limites et les barrières que chacun se construit. Je suis convaincu que ces récits renfermeront des pépites permettant de construire le monde désirable de demain. 

  • Enfin, que serait, selon vous, un projet Butterfly réussi ? 

J. P : Le projet Butterfly est double. Proposer un univers crédible et possible pour 2050 et créer une petite histoire qui se déroulerait dans cet univers, permettant ainsi de l’incarner via la fiction. Pour ce qui est de l’univers, parvenir à rendre cohérents le contexte et l’arène est le défi principal d’un projet réussi. Ensuite, l’exercice de fiction, nécessaire mais moins essentiel, permet d’insuffler une âme à la mécanique un peu froide de la pure prospective. Cette âme, ce sont les personnages et leurs émotions qui peuvent nous l’apporter. Un projet réussi parviendrait à asseoir un univers parlant, évocateur, immédiatement compréhensible par le spectateur et également offrir une emprise émotionnelle via une histoire incarnant les innovations de l’arène et du contexte. 

O. V : C’est déjà une réussite : les jeunes sont à l’œuvre et produisent collectivement des matériaux riches. Pour qu’ils deviennent opérationnels, il faudra que les décideurs publics s’en emparent, afin que ces récits intègrent la prise de décisions, tant dans la méthode (en écoutant et en prenant en compte la voix de la jeunesse) que dans les idées précieuses qu’ils génèrent. 

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