Dans le cadre de la 50ème cérémonie des César, la Cité européenne des scénaristes, en partenariat avec le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a eu l’immense honneur de recevoir dans son podcast « Et le scénario », les scénaristes et co-scénaristes de trois des cinq films nommés dans la catégorie « Meilleur scénario original » :
- Emmanuel Courcol (scénariste et réalisateur) et Irène Muscari (co-scénariste) pour En fanfare
- Théo Abadie (co-scénariste) pour Vingt Dieux
- Boris Lojkine et Delphine Agut pour L’Histoire de Souleymane
Deux autres films étaient également nommés dans cette catégorie : Borgo, écrit et réalisé par Stéphane Demoustier et Miséricorde, écrit et réalisé par Alain Guiraudie.
L’enregistrement de l’épisode a eu lieu le 27 février 2025 dans les locaux du CNC. L’Histoire de Souleymane a été récompensé du César du Meilleur Scénario original. Vingt Dieux a remporté le César du Meilleur Premier Film.
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Vingt Dieux, L’Histoire de Souleymane et En fanfare : trois films qui ont marqué l’année 2024, qui ont donné à voir les trajectoires singulières de personnages inoubliables, dans le Jura, à Paris et dans les Hauts-de-France. Trois œuvres qui ont en commun d’avoir été écrites à quatre mains.
A la Cité, nous sommes particulièrement attachés à montrer que toute production audiovisuelle ou cinématographique est le fruit d’une collaboration, qui démarre bien souvent à l’étape du scénario. Dans ce hors-série du podcast « Et le scénario », nos invités, interviewés par Baptiste Rambaud, décortiquent pour vous leur travail d’écriture sur trois films emblématiques de cette 50ème cérémonie des César.
Aux origines des 3 films, une recherche documentaire pour ancrer le recit dans le reel
Le quotidien d’un livreur en situation irrégulière, celui des adolescents jurassiens formés très tôt à l’élevage et à la production agricole, celui des ouvriers et ouvrières du Nord réunis au sein des fanfares locales : En fanfare, Vingt Dieux et L’Histoire de Souleymane ont cela de commun qu’ils se fondent sur une recherche documentaire minutieuse.
« Ça me semble impensable d’écrire un film social sans connaître la réalité sociale que l’on va décrire ! »
Boris Lojkine, scénariste et réalisateur de L’Histoire de Souleymane
L’écriture, qu’elle soit solitaire ou collaborative, commence donc par-là : aller au contact des personnes qui vivent le quotidien des protagonistes du film et du milieu social, professionnel, culturel dans lequel les scénaristes placent leur récit.
Ecrire, réécrire, faire des concessions
Vient ensuite la phase d’écriture, puis celle de la réécriture, qui peut durer plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années, et qui débouche sur des dizaines de versions du même scénario. Boris Lojkine et Delphine Agut confient ainsi n’avoir rédigé pas moins de 23 versions du scénario du film. Cette phase fait intervenir de multiples regards, de multiples avis sur la partie écrite du film, en particulier celui des producteurs.
« Le producteur est le premier lecteur, il a le don de mettre le doigt sur les problèmes. »
Emmanuel Courcol, scénariste et réalisateur d‘En fanfare
Cette étape de la réécriture, bien qu’essentielle, est une source de stimulation mais aussi de doutes pour les scénaristes. De nouvelles idées émergent, les différents lecteurs font apparaître des problèmes, des incohérences, qui avaient pu passer inaperçues jusqu’alors.
«Un peu comme tous, on passe par des moments d’enthousiasme et des moments de doutes, avec les producteurs qui s’interrogent et se posent plein de questions […] C’est alors un dialogue entre nous deux (ndlr avec sa co-scénariste Irène Muscari) et avec le producteur, soit pour changer les choses, soit pour au contraire, affirmer les choses. »
Emmanuel Courcol, scénariste et réalisateur d‘En fanfare
Accepter l’inattendu, compétence-clé du métier de scénariste
En dépit des nombreuses différences que les trois films présentent et de leur singularité propre, plusieurs critiques les ont tous trois apparentés à des « films sociaux ». Une catégorisation à laquelle les scénaristes n’adhèrent pas forcément :
« Fait-on du cinéma social à partir du moment où l’on filme des pauvres ? [..] On a tendance à se dire qu’à partir du moment où l’on se met en horizontalité avec des personnages en situation de précarité, on se place dans une étude sociologique à travers le cinéma »
Théo Abadie, co-scénariste de Vingt Dieux
Tout au long de cet échange entre les cinq scénaristes et Baptiste Rambaud, un aspect essentiel du métier de scénariste est fréquemment revenu : la capacité à accepter l’inattendu. L’œuvre « film » n’est jamais l’adaptation littérale de sa version scénarisée, elle le fruit d’une collaboration à toutes les étapes de sa production, jusqu’à sa sortie en salles : le public y trouve des éléments et des interprétations que les scénaristes n’avaient pas anticipés !
L’inattendu peut surgir pendant la phase de réécriture, quand le/la co-scénariste émet une idée nouvelle ou que l’équipe de production refuse une proposition, au moment du tournage, quand le comédien ou la comédienne s’empare du personnage, et bien souvent, pendant la dernière phase de montage.
Irène Muscari confie ainsi avoir découvert la fin d’En Fanfare, différente de celle qu’elle avait écrite dans la version finale du scénario, une fois le montage terminé :
« Pour En fanfare, il faut savoir qu’on avait écrit et tourné une autre fin. Elle n’a pas été montée parce que le réalisateur a du talent et qu’il a décidé qu’il valait mieux sacrifier une très belle séquence de fin, pour pouvoir garantir une fin qui laissait le spectateur très, très haut dans l’émotion.».
Irène Muscari, co-scénariste d’En fanfare
Chaque film, chaque œuvre audiovisuelle est le fruit de la rencontre de multiples regards et de multiples voix. Chaque création est unique et pourtant, lorsque l’on interroge les scénaristes et réalisateurs de ces films, leurs expériences se font écho, se complètent, se ressemblent. Cet article n’est qu’un avant-goût de ce que notre épisode hors-série « Les scénaristes nommés aux César 2025 et le scénario » vous réserve. Nous vous invitons donc à écouter ce que Théo Abadie, Delphine Agut, Boris Lojkine, Emmanuel Courcol et Irène Muscari nous disent de ces années d’écriture sans lesquelles Vingt Dieux, En fanfare et L’Histoire de Souleymane n’existeraient pas aujourd’hui.
« N’ayez pas peur de raconter des histoires. La première fonction du cinéma, c’est de raconter des histoires »
Irène Muscari, co-scénariste d’En fanfare
Cette interview a été menée par Baptiste Rambaud pour notre podcast « Et le Scénario ». Elle est disponible en intégralité sur Spotify, Youtube et Apple Podcast. Un immense merci à l’ensemble des invités, Emmanuel Courcol, Irène Muscari, Théo Abadie, Boris Lojkine et Delphine Agut, à notre podcasteur Baptiste Rambaud ainsi qu’au CNC, Perrine Vincent, Sophie Apocale, Joan Guerlais et Daphné Bruneau pour leur accueil et leur soutien.
Lire l’article consacré à ce hors-série sur le site Allociné : https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=1000134756.html
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