George W. Bush, élu en novembre 2000 et réélu en novembre 2004, aura été le président du retour au conservatisme, des attentats du 11 septembre 2001, de la guerre contre le terrorisme avec l’USA PATRIOT Act, et des guerres en Afghanistan et en Irak.
Contrairement à Bill Clinton qui aura surtout été critiqué pour ses frasques personnelles, c’est à la fois la politique et la personnalité de George W. Bush qui sont directement critiquées et moquées.
Un patriotisme obligatoire ridiculisé
Dans les Simpsons, tout d’abord, c’est la radicalisation de la chaîne Fox News (à l’extrême-droite) qui est critiquée dans “Le Député Krusty” (épisode 14 de la saison 14), diffusée le 9 mars 2003.
Dans une courte pastille, les Simpsons regardent Krusty et son adversaire débattre sur la chaîne conservatrice Fox News tandis qu’un bandeau d’actualité défile en bas de l’écran, parodiant les considérations de la chaîne et le début des fake news :
“Les nouvelles sans intérêt augmentent de 37% ……… Les démocrates causent-ils le cancer ? Découvrez-le sur foxnews.com ……… Rupert Murdoch : un excellent danseur ……… Le Dow chute de 5 000 points ……… Une étude : 92 % des démocrates sont homosexuels ……… JFK rejoint le parti républicain à titre posthume ……… Les nappes de pétrole gardent les phoques jeunes et souples”.
Les Simpsons s’attaquent ensuite directement à la montée du patriotisme “obligatoire”, aux mesures de sécurité accrues et à la censure de l’administration Bush facilitée par le USA PATRIOT Act.
Dans l’épisode 21 de la saison 15, “Le Drapeau… potin de Bart” (diffusé le 16 mai 2004), les ennuis commencent avec Bart, qui montre accidentellement ses fesses au drapeau américain, acte vu par tous comme le parangon de l’anti-patriotisme.
Il est renvoyé de l’école, sa famille devient la plus détestée des Etats-Unis, et ils finissent par être envoyés en prison dans ce “Centre de Rééducation Ronald Reagan” pour ceux qui “détestent” l’Amérique. Ils y retrouvent notamment Michael Moore, pour ses documentaires au vitriol contre la politique et la société américaine1, et Bill Clinton, pour avoir déclaré que les réductions d’impôts n’étaient pas judicieuses.
Les scénaristes font ainsi directement référence au Camp de Guantánamo, où l’on emprisonnait des présumés terroristes au début des années 2000 dans des conditions de détention depuis dénoncées par de nombreuses organisation de défense des droits humains.
Dans ce même épisode, le changement de nom de Springfield en Libertyville est probablement une référence au sentiment anti-français des conservateurs américains après que Jacques Chirac a refusé que la France participe à l’opération “Liberté en Irak” aux côtés des Etats-Unis.2 Les frites (french fries en anglais) avaient été renommées “frites de la liberté” (freedom fries) par le camp conservateur du Congrès.
L’autre série créée par Matt Groening, Futurama (1999-2011), utilisera cette même ligne narrative dans “Le Goût de la liberté” (saison 4, épisode 5), diffusé le 22 décembre 2002.
Cet épisode parodie le patriotisme à outrance : alors qu’il célèbre le Jour de la Liberté, un jour où l’on peut faire tout ce que l’on veut sans en subir les conséquences, Zoidberg exprime son amour de la liberté en mangeant le drapeau des Terriens. Malheureusement, les Terriens le prennent pour un traître et tentent de le tuer.
Les créateurs de South Park s’attaquent également aux valeurs que véhicule le président, notamment à sa bigoterie et son conservatisme, même si le co-créateur Matt Stone déclare en 2005 “Je déteste les conservateurs mais je déteste encore plus les libéraux”.
Dans “Une échelle pour aller au ciel” (saison 6, épisode 12), diffusé le 6 novembre 2002, on voit l’administration convaincre Bush que Saddam Hussein fabrique des armes de destruction massive au paradis.
Il en informe les Nations Unies, en arguant que Saddam Hussein est au paradis en train de construire des armes et qu’il faut aller le bombarder immédiatement. On lui demande alors s’il est drogué ou stupide et il assure les Nations Unies du contraire.
De même, l’utilisation récurrente de la religion dans les discours de George W. Bush est moquée dans “Potes pour la vie” (saison 9, épisode 4), diffusé le 30 mars 2005. Un républicain prononce un discours alors qu’il est sous l’influence de Kevin, le petit ami de Satan. Le républicain n’est pas identifié mais il a été supposé qu’il s’agissait de Bush.
South Park s’attaque ensuite directement à l’absurdité des théories du complot post-11 septembre et au rôle de l’administration Bush accusée de les avoir attisées, afin de justifier leurs interventions militaires.
Dans l’épisode “Le Mystère du caca dans l’urinoir” (saison 10, épisode 9), diffusé le 11 octobre 2006, M. Mackey enquête pour savoir qui a laissé une crotte dans les toilettes des garçons. Cartman suspecte qu’il peut s’agir d’une conspiration, tout comme celle des attentats du 11 septembre – d’ailleurs il accuse Kyle d’avoir envoyé les avions. Kyle doit alors prouver que c’est bien le gouvernement derrière les attentats et pas lui. Après moult péripéties, le président George W. Bush lui avoue que le gouvernement est bien responsable des attentats, et tente de tuer Kyle, qui réussit à s’échapper. Finalement le président retrouve Kyle et lui annonce qu’il a menti en affirmant qu’il était responsable ; il voulait simplement prouver son pouvoir.
Dans l’épisode “Plutôt du genre country” (saison 7, épisode 3), diffusé le 9 avril 2003, les scénaristes de South Park critiquent ouvertement l’hypocrisie de la société américaine vis-à-vis de la guerre en Irak.
Les garçons se joignent à des manifestants anti-guerre en Irak juste pour quitter l’école plus tôt, puis se retrouvent pris entre les deux camps, les pro- et les anti- guerre. Alors que la situation est sur le point de déraper, Benjamin Franklin se présente à eux et annonce que, selon lui, le nouveau pays ne doit pas paraître belliqueux aux yeux du reste du monde, mais qu’il ne doit pas non plus paraître faible. Par conséquent, il doit entrer en guerre tout en autorisant les manifestations, adoptant une position résolument ambiguë. C’est ce qu’il appelle « dire une chose et en faire une autre ».
Le client idéal
Ce qui rend cette période particulièrement glorieuse pour les satiristes américains, c’est qu’en plus de la politique de George W. Bush, sa personnalité (ou plutôt la caricature de sa personnalité) est une mine d’or.
Son accent texan, ses nombreuses maladresses et ses “bushisms” (ses malapropismes, ses erreurs syntaxiques et ses formulations confuses) sont utilisés pour dépeindre un Bush inapte intellectuellement.
Les Griffin ne s’en prive pas et représente George W. Bush comme un enfant immature incompétent, aussi bien en matière de politique intérieure qu’extérieure :
- Dans “Rock Around The Cloche” (saison 4, épisode 4), diffusé le 5 juin 2005, il est représenté sous les traits d’un enfant capricieux :
- Dans l’épisode “Les maux de la faim” (saison 4, épisode 17), diffusé le 27 novembre 2005, c’est sa gestion de l’ouragan Katrina qui est directement critiquée ; il préfère rester caché dans sa cabane en disant “Don’t make me do stuff”, “Ne m’oblige pas à faire des choses” :
- Dans “Sauvons le soldat Brian” (saison 5, épisode 4), diffusé le 5 novembre 2006, quand la démocratie est instaurée en Irak, Stewie remarque qu’une seule personne a eu la clairvoyance de l’envisager. La scène montre Bush en haut de l’escalier, stupéfait d’avoir réussi à faire descendre son ressort tout le long de l’escalier, appelant sa femme avec excitation.
Ses références régulières à la religion pour justifier ses actions belliqueuses sont également critiquées à plusieurs reprises.
Dans l’épisode “J’ai rêvé de Jésus” (saison 7, épisode 2), diffusé le 5 octobre 2008, lors d’une conférence de presse, Bush affirme que Jésus-Christ l’a incité à partir en guerre. Un Jésus en colère, amené à Bush par Peter, réfute tout ce que Bush a dit.
Mais c’est surtout dans l’épisode “Devine qui vient dîner ?” (saison 2, épisode 10), diffusé le 7 janvier 2007, que les scénaristes vont le passer sur le grill – alcoolique, bêta, immature et irresponsable.
Le président George W. Bush vient dîner chez les Smith après que Stan a gagné un concours de rédaction, ce qui incite Hayley à le questionner sur la guerre en Irak et les actions douteuses de son administration. Pendant ce temps, Steve et Roger tentent d’amener le Président à s’ouvrir sur l’endroit exact où se trouve Oussama Ben Laden, mais finissent par le rendre complètement saoul, ce que Hayley exploite dans le but de le faire tomber une fois pour toutes.
Enfin, la politique de George W. Bush est à la genèse d’un autre grand cartoon satirique. Le créateur Seth MacFarlane, à l’époque déjà créateur de Les Griffin, a déclaré :
“C’était juste après les élections de 2000, et moi et [le co-créateur] Matt Weitzman étions tellement frustrés par l’administration Bush que nous passions des journées entières à râler et à nous plaindre et nous nous sommes dit que nous devrions transformer cela en quelque chose de créatif et, espérons-le, de rentable.”
Et ainsi, à son image, George W. Bush donna naissance à American Dad.
Dès le pilote de la série, diffusé le 6 février 2005, Dieu appelle George W. Bush pour lui demander d’arrêter de parler de lui tout le temps – tout comme Jésus Christ avait remis l’église au centre du village dans Les Griffin.
Les deux mandats de George W. Bush auront représenté une sorte d’âge d’or de la satire politique dans les cartoons. Les évènements extérieurs (les attaques du 11 septembre 2001, les guerres en Afghanistan et en Irak) et les politiques internes (la réponse à l’ouragan Katrina, le Patriot Act) ont fourni beaucoup de matière pour la critique sociale et politique, de plus facilitée par l’essor d’internet et des premiers clips viraux.