LA CITÉ ÉTAIT PRÉSENTE A LA JOURNÉE CUT TOGETHER : RETOUR SUR LA TABLE RONDE POUR UNE CRÉATION INCLUSIVE


Retour sur la table ronde du 16 octobre, organisée par Canal +, autour de la création inclusive : mesurer, sensibiliser, transformer, agir pour une création inclusive


L’événement CUT TOGETHER, qui a eu lieu au Consulat Voltaire le 16 octobre 2025, était la première journée de mobilisation organisée par l’association CUT! pour un cinéma uni, fondée par Hiam Abbass, Julie Amalric, Swann Arlaud, Cyril Dion, Carole Scotta, Jérémie Régnier, Flore Vasseur et Juliette Vigoureux. L’événement a rassemblé acteurs privés, associations et institutionnels, représentant un secteur audiovisuel engagé. 

Au programme de cette première édition, des stands, des conférences et des pitchs, des dîners thématiques et une soirée festive. En ouverture de la journée, la table ronde sur la création inclusive a réuni Marine Schenfele, Directrice RSE de Canal +, Lucile Landais, Responsable RSE de Canal +, Enya Barroux, comédienne, scénariste et réalisatrice (Fleur Bleue, On ira), Pauline Rocafull, DG de la Cité européenne des scénaristes et Axel Diverrez, Responsable RSE du Groupe Federation Studios.  

Quelle place occupe la diversité dans la création audiovisuelle française ? Pourquoi doit-on agir doublement sur les récits et la formation des professionnels pour atteindre une plus grande inclusivité, aussi bien devant, que derrière la caméra ? 

En donnant la parole à plusieurs professionnels, représentant différentes facettes de la création audiovisuelle et cinématographique, la table ronde nous a offert des solutions concrètes pour continuer à transformer le secteur.


LA DIVERSITÉ DANS LES RÉCITS : PREMIÈRE ÉTAPE POUR UNE FICTION PLUS INCLUSIVE

Enya Barroux, scénariste et réalisatrice de la série Fleur Bleue et du long-métrage On Ira, a fait de la représentation des personnages féminins une priorité.  

Fleur Bleue raconte l’histoire de Fleur (jouée par Enya Barroux elle-même), trentenaire, qui enchaîne les coups d’un soir et tombe de déconvenue en déconvenue. Pour Enya Barroux, la série, produite par Canal+ et Carnaval Productions, est née de l’envie de mettre en scène le point de vue féminin. 

“Au moment où j’ai proposé Fleur Bleue à Canal, il y avait très peu de programmes courts incarnés par un personnage féminin.” 

Enya Barroux

 La protagoniste Fleur y fait figure de femme ordinaire, qui embrasse pleinement son désir et sa sexualité, sans pour autant qu’un regard sexualisant soit posé sur elle. Fleur se questionne sur la politique, revendique son féminisme et parle ouvertement de sujets aussi anodins que les règles, thématique encore taboue dans la fiction française.  

“Les quotas, le temps de parole des femmes, sont des sujets très importants. Mais l’essentiel, c’est de porter à l’écran des récits de femmes. On peut avoir autant de femmes qu’on veut dans nos oeuvres, si on ne parle pas de ce qu’elles vivent, ça tombe à plat.” 

Enya Barroux

Avec son long-métrage On ira, sorti en 2025, dans lequel l’actrice Hélène Vincent joue le rôle d’une femme âgée, atteinte d’un cancer en phase terminale, Enya Barroux construit un récit sur la réalité d’une famille touchée par la maladie. Pour réaliser ce film, elle s’est appuyée sur une équipe technique paritaire. 

“Raconter des récits de femmes commence en s’entourant de femmes sur le plateau. Sur sept projets sur lesquels j’ai été assistante-réalisatrice dans ma carrière, aucun n’était réalisé par une femme. Avec mon premier long, je voulais repenser cette petite société qu’est le plateau de tournage.”

Enya Barroux

Une démarche vertueuse qui lui a d’ailleurs valu le bonus parité du CNC, qui s’engage pour une meilleure professionnalisation des femmes dans les métiers de l’image et du son.  


UNE SENSIBILISATION DES SCÉNARISTES, CLÉ POUR UNE TRANSFORMATION DU SECTEUR ?  

“La diversité à l’écran commence avec une diversité dans les rangs de scénaristes.”

Pauline Rocafull

Pour que le secteur puisse opérer une transformation globale, des récits jusqu’aux modes de production, l’engagement de quelques scénaristes et réalisateurs et réalisatrices ne peut malheureusement pas suffire. Un mouvement plus général est nécessaire, mais par où commencer ?  

 Premier élément de réponse avec l’exemple de la Cité européenne des scénaristes, qui a misé sur la formation de celles et ceux qui écrivent les récits : les scénaristes. A travers son Centre de compagnonnage, implanté dans cinq régions – Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Sud et bientôt Bretagne-, la Cité offre une formation passerelle, complémentaire aux cursus existants (écoles de cinéma, filières universitaires et techniques). En cinq mois, la Cité forme les jeunes scénaristes aux compétences-clés du métier, en portant une attention toute particulière aux nouveaux récits et à la sensibilisation contre les stéréotypes. 

“La question de la formation est essentielle, même si elle est récente dans la profession de scénariste. Et elle l’est tout particulièrement pour lutter contre les biais cognitifs. A la Cité, on utilise le Guide de l’Ecran d’après, qui n’est pas coercitif, qui propose des pistes de réflexion, des questions essentielles à se poser lorsque l’on se lance dans un projet d’écriture.” 

Pauline Rocafull

Une fois leur premier mois de formation théorique passé, les scénaristes apprenants de la Cité sont associés à des scénaristes senior, appelés compagnons et compagnonnes, qui les accueillent pendant quatre mois en observation, sur un projet en écriture, et leur ouvrent leur réseau.  

En poussant les émergents à rencontrer des professionnels, la Cité œuvre pour une insertion accélérée et du même coup, pour une plus grande diversité de profils dans le secteur. En moyenne, on estime qu’un ou une scénariste émergent(e) met trois à cinq ans pour s’insérer dans le métier. Un délai long, qui conduit à un important écrémage social : les scénaristes qui n’ont pas la chance d’avoir un réseau ou le soutien financier de leurs familles, sont souvent forcés de se reconvertir. Un phénomène renforcé par la concentration des emplois créatifs en région parisienne, qui pénalise celles et ceux qui n’y résident pas. 

“Environ 70% de nos talents trouvent un premier contrat dans l’année qui suit leur sortie de formation à la Cité. Et 100% d’entre eux restent dans leur région de formation. On contribue à former des pôles d’écriture régionaux et c’est essentiel, compte-tenu qu’on puise l’inspiration de nos récits dans notre territoire d’origine, dans notre histoire.”

Pauline Rocafull

Mais cette lutte pour une profession scénaristique plus inclusive et plus diversifiée, la Cité ne pourrait pas la mener sans l’appui de ses partenaires, dont Canal + fait partie. Comment les producteurs et les diffuseurs peuvent-ils être moteurs d’une transformation globale du secteur?  


LA MOBILISATION DES SOCIÉTÉS DE PRODUCTION ET DES DIFFUSEURS POUR UN SECTEUR PLUS INCLUSIF

  

Axel Diverrez et Lucile Landais sont respectivement Responsables RSE des groupes Federation Studios – société de production – et Canal +. A leurs postes, ils se voient investis d’une mission de sensibilisation de l’ensemble de leurs équipes.  

“Cette année, chez Canal +, on a pu accueillir Eléonore Gueit, de l’Observatoire de la fiction1, qui nous a présenté la démarche de l’Observatoire et l’étude qu’ils ont menée sur la représentation de l’écologie dans la fiction. Autre exemple, à l’occasion d’Octobre rose, la maîtresse de conférence Barbara Laborde nous a parlé de la représentation du cancer du sein à l’écran.”

Lucile Landais

Conscient de l’enjeu autour de la formation des équipes créatives, et en particulier des scénaristes, Canal + déploie, depuis 2021, un module de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes dans la fiction, à destination de ses équipes et de quelques partenaires, comme la Cité ou Federation Studios. 

Lucile Landais est ainsi intervenue auprès des apprenants et Alumni de la Cité courant 2025, lors d’une masterclass consacrée à la lutte contre les stéréotypes dans les contenus fiction. Nourrie par des chiffres et de nombreux exemples, la présentation a offert aux jeunes scénaristes, plusieurs outils pour mieux appréhender la question des représentations (personnages féminins, racisés, en situation de handicap) et celle du traitement de l’écologie dans la fiction. 

Dans le cadre de ce module de sensibilisation, Canal + encourage également ses équipes créatives à s’appuyer sur des études analysant la représentation des femmes, des minorités et leur temps de parole. Une action qui porte de plus en plus ses fruits, comme l’illustre la série Empathie, sortie en septembre et déjà adorée du public. 

« Dans Empathie, la dernière création originale Canal +, on a 66% de temps de présence et 57% de temps de parole pour les personnages féminins.”
Lucile Landais

Côté production, Federation Studios, conscient de l’impact des récits sur notre imaginaire, fait de la représentation des personnages féminins et la lutte contre les stéréotypes de genre, sa priorité.  

“Les contenus de fiction jouent un rôle crucial dans la construction de nos imaginaires et dans la perception de la société. En tant que producteurs, nous avons une responsabilité à offrir des récits qui représentent la diversité. Chez Federation, on a créé un groupe de travail interne pour mieux mesurer la représentation des femmes au sein de nos fictions, sans pour autant aseptiser le récit.”

Axel Diverrez 

Les équipes sont encouragées à utiliser plusieurs indicateurs et à ne pas se contenter d’appliquer uniquement le test de Bechdel, outil emblématique mais incomplet2. Federations Studios a donc lancé son propre baromètre, plus exhaustif, qui s’appuie sur trois paramètres principaux :  

  • La représentation numérique des femmes : proportion de personnages féminins, positionnement du leadership 
  • La comparaison du protagoniste masculin et du protagoniste féminin : trajectoires narratives, répartition des tâches domestiques  
  • L’analyse de l’arène, guidée par ces questions : les femmes occupent-elles des postes à responsabilité ? Les corps féminins sont-ils plus sexualisés que les corps masculins ? Y-a-t-il des personnages féminins de plus de 50 ans ? 

“Notre vigilance ne doit pas s’arrêter aux contenus qui représentent des femmes. J’en donne pour exemple la série Enterrement de vie de garçon, produite par Federation Studios, qui met en scène un groupe de jeunes hommes qui détricotent la masculinité stéréotypée.”

Axel Diverrez

Désireux de poursuivre aussi son engagement pour une meilleure inclusivité du secteur en dehors des récits, le groupe Canal + a lui aussi développé un outil, accessible sur le logiciel Xotis, permettant aux professionnels de la production de mesurer la répartition hommes / femmes dans leurs équipes techniques.  


Agir sur les contenus et pour une sensibilisation des équipes créatives est certes une priorité mais elle ne doit pas masquer le besoin de soutien des professionnels – et surtout professionnelles -, qui comme Enya Barroux, luttent pour que leurs œuvres soient produites et diffusées.  

Dans cette perspective, Studio Canal a lancé un fonds de soutien aux scénaristes et réalisatrices, dédié, en particulier, aux professionnelles qui ont déjà un premier film à leur actif. L’objectif est simple : offrir une aide aux talents féminins, qui rencontrent statistiquement plus de difficultés que leurs homologues masculins à faire financer leur second film et à se voir confier des gros budgets (en moyenne, les films réalisés par des femmes ont un budget 39% inférieur à celui des réalisations masculines). 

Pour preuve, le rapport édifiant du CNC publié fin 2024

Nous remercions chaleureusement notre partenaire Canal + pour sa confiance et son engagement, ainsi que Federation Studios et l’association CUT ! Pour cette belle journée d’échanges et de rencontres !

  1. Pour découvrir le travail de l’Observatoire de la fiction, acteur engagé pour des récits écologiques, vous pouvez lire notre article consacré au baromètre de l’écologie ici : https://cite-europeenne-des-scenaristes.com/la-cite-partenaire-du-barometre-de-lecologie-dans-la-fiction-audiovisuelle-francaise/ ↩︎
  2. L’oeuvre comporte-t-elle au moins deux personnages féminins ? Ces deux femmes parlent-elles ensemble ? Leur discussion dure-t-elle plus d’une minute et repose-t-elle sur autre chose que d’un homme ?  ↩︎

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