Les H.M.C et le Scénario


« Un scénario, c’est toujours enrichissant et déstabilisant, parfois contrariant ou compliqué. Mais c’est riche parce que ça nous oblige à inventer. »

Anne-Sophie Gledhill

Chaque semaine, un corps de métier différent de l’audiovisuel témoigne de son rapport au scénario.

Aujourd’hui, la parole est aux habilleur·se, maquilleur·se et coiffeur·se

Les invité·es du jour sont Odile Fourquin, (maquilleuse sur le Bureau des Légendes, Emily in Paris) Julia Floch Carbonel, (maquilleuse sur Tirailleurs, l’Empereur de Paris) Anne-Sophie Gledhill, (costumière sur OSS 117, Titane) Chloé de Nombel, (costumière sur Groom, Or de Lui) et Romain Marietti (coiffeur sur l’Amour Ouf, Emilia Pérez). 

Ils/elles rendent crédibles à l’image les évènements racontés dans le scénario et permettent aux acteurs et actrices d’incarner au mieux leur rôle.
Regroupés sous l’acronyme H.M.C, ce sont les artisans qui coiffent, maquillent et vêtissent des personnages influencés et marqués par l’arène dans laquelle ils évoluent.
Comment s’approprient-ils le scénario pour s’en inspirer ? Quelle est leur marge de manœuvre dans l’apparence des personnages ? Toutes les réponses sont ici !

Apprêtez-vous bien, ça tourne ! 


• Premier contact et sources d’inspiration

A la lecture du scénario, les H.M.C se familiarisent avec l’univers pour en ressentir les particularités. Il est question de trouver l’inspiration en piochant dans son imaginaire et ses références personnelles.

« Je lis le scénario sans m’occuper du maquillage pour me donner une idée de l’univers dans lequel on va être (…) C’est ma référence absolue, je me reproche souvent de ne pas assez avoir relu »
Odile Fourquin

« À la première lecture, je me demande ce que ça me rappelle comme film, comme scène »
Julia Floch-Carbonel

Il s’agit aussi pour certain·es de se familiariser avec la vision du réalisateur, prendre la bonne direction.

« Je me laisse aller dans l’histoire pour avoir des images mentales, laisser venir les idées brutes (…) des choses instinctives qui correspondent à mon imaginaire et celui du réal ».
Anne-Sophie Gledhill 

« Avant de lire le scénario je m’intéresse au réal, je regarde beaucoup de vidéos et d’interviews pour savoir quel est son univers »
Romain Marietti

Face au scénario… sans le scénariste

Les choix des H.M.C sont guidés (quand ils le sont) par la vision du réalisateur/ de la réalisatrice. Sauf dans le cas où le/la scénariste réalise, ils doivent composer avec le scénario sans son créateur. Sa bonne compréhension est d’autant plus cruciale.

« Les scénaristes ? Je n’ai jamais vraiment eu affaire à eux ».
Romain Marietti

Contribution au récit

Il est fréquent que l’acteur·ice s’imprègne de son rôle avec l’aide des H.M.C. Ces derniers le conseillent sur l’identité et le caractère du personnage qu’il incarne.

« On peut aider à repérer une identité, créer un personnage ».
Julia Floch-Carbonel

« On aide le comédien à rentrer dans son personnage ».
Anne-Sophie Gledhill

Les informations implicites comme le temps qui passe ou l’état physique et émotionnel sont données et renforcées par le travail des H.M.C.

« Ce qui indique le temps qui passe, c’est ce qu’on va faire nous ».
Odile Fourquin

« On peut donner un maximum d’informations sans que ce soit décrit dans le dialogue ». 
Julia Floch-Carbonel

Créer l’univers visuel : avec ou sans indications ?

Au tournage, les H.M.C bénéficient d’une liberté d’imagination suffisante.

« Il était écrit au scénario que le personnage principal féminin porte une robe rouge. Mais en discutant avec le réalisateur, on se rend compte que l’important ce n’était pas la robe. Il s’agissait pour lui de mettre en avant une certaine féminité. C’est à nous de proposer autre chose, une femme peut être belle et féminine sans robe ».
Chloé de Nombel

« J’aime avoir le champ libre et proposer plein de choses. Je préfère des descriptions sur le décor, l’ambiance (…) C’est ça qui va nous inspirer ».
Romain Marietti

En revanche, certain.es préfèreraient plus de considération et recevoir des indications plus claires.

« Quand on te dit « fais ce que tu veux » c’est la pire indication ».
Odile Fourquin

« J’aime beaucoup quand c’est très décrit. J’ai rarement d’indications de maquillage ».
Julia Floch-Carbonel

Les contraintes et l’opportunité offerte par le numérique

Les professionnel·les du maquillage et du costume sont souvent confronté·es à des contraintes de production qui les obligent à adapter leurs choix. Peut-on raser un crâne ou une barbe ? Déchirer des vêtements ?

« Ce sont surtout des contraintes de temps et de budget ». 
Odile Fourquin

« On va toujours essayer de se débrouiller pour trouver une solution mais parfois il s’avère qu’elle n’est pas possible ».
Romain Marietti

Bien heureusement, le développement du numérique a permis de réduire les coûts et de simplifier certains maquillages complexes, comme les blessures ou les transformations physiques.

« Ce qui a changé, c’est l’arrivée de la post-prod numérique. Faire rajeunir les gens est devenu très réaliste. On filme la peau de la doublure jeune et on la met sur l’acteur plus âgé ».
Odile Fourquin

Message aux scénaristes

« Continuez à aller dans des endroits qu’on ne peut pas imaginer (…) Un scénario, c’est toujours enrichissant et déstabilisant, parfois contrariant ou compliqué. Mais c’est riche parce que ça nous oblige à inventer ».
Anne-Sophie Gledhill

« Qu’on mette à l’image des choses qu’on ne connaît pas et qu’on n’a pas l’habitude de voir ».
Chloé de Nombel

« Qu’ils écrivent beaucoup de scénarios avec beaucoup de choses à faire pour nos postes. Qu’ils imaginent qu’on peut faire beaucoup de choses ».
Odile Fourquin

« J’en ai un peu marre du cinéma politique, j’aimerais qu’on soit dans quelque chose de beaucoup plus léger ».
Romain Marietti

Oeuvres de référence

« Badlands » ou « La Balade Sauvage », de Terrence Malick.
« Pour les costumes, la colorimétrie, le décor. C’est une peinture incroyable ».
(Anne-Sophie Gledhill)

« Chambre avec vue », de James Ivory.
« Une folie de costumes, de jeu, de tout. Une poésie dans les décors ».
(Julia Floch-Carbonel)

« Casanova », de Federico Fellini.
« Rigueur et fantaisie ».
(Odile Fourquin)

Les films d’Éric Rohmer.
« J’aime son esthétique : ça paraît minimaliste mais tout est très précis. Il n’y avait pas de costumière, il choisissait lui-même ».
(Chloé de Nombel)

Les films de Tim Burton.
« Délurés mais réalistes en même temps, avec pas mal de paradoxes ».
(Romain Marietti)


Lire aussi


Penser le futur : naissance d’une nouvelle discipline aux États-Unis (1930-1950)

Nous sommes en 1929, alors qu’une bulle spéculative s’est formée sur les marchés financiers. En octobre, le krach boursier de Wall Street précipite brutalement l’économie américaine dans la Grande Dépression, entraînant des faillites bancaires, une chute de la consommation et la ruine de millions d’investisseurs.