Les Monteurs et le Scénario


« Le montage, c’est comme écrire avec une gomme. »

Aïn Varet.

Chaque semaine, un corps de métier différent de l’audiovisuel témoigne de son rapport au scénario.

Aujourd’hui, la parole est aux monteurs et monteuses.

Audrey Simonaud (Lupin, Taken 3), Aïn Varet (Les Rivières Pourpres, Profilage) et Romain Namura(Luther, Alexandre Ehle) nous disent tout. 

Ce sont les maîtres du temps, ils/elles déterminent la longueur des scènes et des silences pour donner au récit du rythme et de la cohérence. Ils peuvent être amenés à modifier l’organisation de l’histoire ou encore jouer sur l’intensité des émotions. Le scénario est la base qui structure l’œuvre, le montage lui donne sa forme finale.


Quel lien entretiennent ces deux processus créatifs indissociables ? Quelle importance les monteurs et les monteuses accordent-ils au scénario ? S’agit-il d’une relation apaisée ou conflictuelle ?

Bienvenue dans cette série d’articles tirés du podcast “Et le Scénario”.
Le dérushage commence aujourd’hui ! 


Rencontre avec le Scénario

A la première lecture, les monteurs et monteuses cherchent à comprendre le récit et son rythme pour se l’approprier.

« Je prends le scénario comme je lirais un bouquin. La première fois, je le lis d’une traite et j’essaye de rentrer dans le film comme un spectateur lambda. Souvent me viennent des petits déclics par rapport à des aspects techniques mais je le fais dans une deuxième lecture pour après contacter le réalisateur, parler avec lui, être plus précise ».
Aïn Varet

Les monteurs interviennent avant même le tournage. Ils abordent la narration autrement, en soutien au réalisateur ou à la réalisatrice. Ils prévoient notamment les possibles problèmes de compréhension auquel le spectateur / la spectatrice sera confronté.e et comment y remédier. 

« Je suis assez maman. J’ai tendance à dire au réalisateur : tu feras attention parce que là j’aurai besoin de plus de prises, fais-moi des plans de coupe (…) Puis on prépare aussi parfois des réunions de préproduction où on doit parler de ces aspects techniques, de nombre de rushes, des choses très précises ».
Aïn Varet

Les incohérences et zones de flou dans l’histoire sont des préoccupations majeures pour ceux qui doivent rendre le récit clair et pertinent. 

« Je n’ai pas de questions, je cherche souvent des réponses ».
Romain Namura

« J’en connais qui ne lisent pas le scénario, qui essaient d’être neutres pour jouer seulement avec la matière. Mais ça sous-entend qu’ils passent à côté de sous-textes. »
Aïn Varet

Transformer le support original sans perdre sa substance

Si le scénario est un pilier de la narration, il peut changer durant le processus de montage.

« Le tournage va tordre les pages du scénario et le montage va tordre les rushes. Toutes ces torsions qui sont faites sur la matière (écrite, tournée, montée) donnent un film qui vit par lui-même. »
Romain Namura

Ce travail de longue haleine implique des changements parfois importants jusqu’au dernier moment.

« Il y a des séquences qui passent à la trappe dans les premiers jours de montage. On n’y revient pas pendant deux mois et finalement le film est tellement allé à l’essentiel qu’il manque encore une petite articulation. On revient au début et on se demande ce qu’il y avait au scénario qu’on a viré et qui peut maintenant nous servir (…) on a des séquences qui renaissent de leurs cendres ».
Audrey Simonaud

Un outil de réécriture

Les silences

Bien que rarement écrits dans le scénario, ils prennent une place importante au montage.

« J’adore jouer sur la durée des plans. Couper la chique à un comédien une fois qu’il a dit sa réplique ou lui laisser du temps derrière ne veut absolument pas dire la même chose. »
Romain Namura

La caractérisation des personnages

Le montage permet de redéfinir les personnages suivant le jeu des acteurs et actrices et de trouver un équilibre, notamment dans les films choraux.

« On a pas mal de marge de manœuvre sur la caractérisation des personnages ».
Audrey Simonaud

Collaboration directe entre scénariste et monteur/monteuse 

Il arrive que la/le monteur/monteuse doive ajouter des dialogues pour faciliter la compréhension d’une scène. Ici, la collaboration est nécessaire.
Audrey Simonaud nous parle de son expérience sur Lupin.

« On avait besoin que le scénariste soit en salle de montage pour être sûr que les dialogues qu’on rajoutait allaient correspondre à des épisodes qui n’étaient pas encore tournés et dont lui seul avait la clé ».

Les difficultés du montage selon les genres 

Chaque genre présente des défis spécifiques. La comédie demande un travail sur le rythme

« Au montage on peut se planter si on n’a pas le bon tempo ou si on ne trouve pas ça drôle et qu’on passe à côté du type d’humour du film »
Audrey Simonaud

Le drame, lui, suppose une gestion subtile des émotions.

« Il faut que le spectateur ait été pris à la gorge jusqu’au bout. Il faut le ménager tout au long du film ».
Romain Namura

Message aux scénaristes

« Je leur souhaite d’avoir suffisamment de temps pour écrire les histoires qu’ils veulent écrire. Tout comme je nous souhaite d’en avoir. Ce sont des phases de création qui demandent du temps. »
Romain Namura

« Qu’on leur laisse la liberté de proposer des choses originales et d’avoir leur univers. J’aime quand il y a des indications de montage dans un scénario, quand les scénaristes se projettent et proposent des choses ».
Aïn Varet

Les invités vous recommandent 

« In the Mood for Love », de Wong Kar-wai. « Pour les silences, le rythme, la musique » (R.Namura).

« Big Little Lies », de Jean-Marc Vallée. « Je me suis demandé à quel point c’était écrit au scénario ou pas. Si le contenu des flashbacks était précisément écrit ». 
(A.Simonaud)

« Roma », d’Alfonso Cuarón. « des plans longs, peu de coupes mais efficaces et bien choisies ». (A.Varet).


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