Le sport comme quête personnelle


Les films sportifs sont un terreau parfait pour explorer les thèmes de la quête personnelle et du dépassement de soi et offrent une vision inspirante de que l’on est capable de faire en tant qu’individu. Ils mettent en lumière la manière dont le sport peut être un moyen d’auto-découverte ou de confrontation à des problèmes personnels ; un miroir de notre quête d’identité et de sens.1

Ces récits ne sont pas seulement des histoires de victoires et de défaites ; ils sont le reflet des parcours intérieurs vers la compréhension de soi, la résilience et la transcendance personnelle.

Le sport pour s’affirmer face aux autres

Assumer ses rêves et sa différence, faire abstraction du regard extérieur pour (se) prouver que cette passion moquée sera surtout un moyen de s’élever et de s’envoler ; ces thèmes sont développés en filigrane dans la plupart des films sportifs.

Un des classiques de ce thème est le film américain Rudy (1993, Etats-Unis), écrit par Angelo Pizzo (également scénariste de Le Grand Défi dont nous parlions dans le premier article de cette série).

Interprété par Sean Astin, Rudy rêve de jouer au football américain pour l’Université de Notre Dame, une des équipes collégiales les plus prestigieuses du pays. Issu d’une petite ville industrielle, n’ayant ni le physique, ni les notes académiques pour intégrer directement Notre Dame, ni le soutien de ses proches, Rudy va se battre pour atteindre son rêve.

C’est ce même feu qui va habiter Billy Elliot (2000, Royaume-Uni) dans le film éponyme écrit par Lee Hall et réalisé par Stephen Daldry.

Alors que tout son écosystème traverse les grandes grèves minières des années 84-85, ce jeune garçon va se découvrir un passion pour la danse classique, malgré l’incompréhension et les préjugés de son entourage :

“(…) mais une fois que j’ai commencé… j’oublie tout. Et… je disparais en quelque sorte. Une sorte de disparition. Comme si je sentais un changement dans tout mon corps. Et j’ai ce feu dans mon corps. Je suis juste là. Je vole comme un oiseau. Comme l’électricité. Ouais, comme l’électricité.”

C’est également le combat que va mener Eddie dans Eddie the Eagle (2016, Royaume-Uni, États-Unis et Allemagne), l’histoire vraie du premier concurrent qui, en dépit de ses limitations physiques, techniques et financières évidentes, a représenté la Grande-Bretagne en saut à ski aux Jeux Olympiques.

J’ai été viré de toutes les équipes avant même d’avoir pu faire mes preuves.”

Le sport pour aller à la rencontre de soi-même

En fiction, le sport sert également de cadre pour le développement du personnage, en le confrontant à des défis qui le poussent à grandir, à évoluer, à se canaliser parfois, et surtout à découvrir des vérités fondamentales sur lui-même.

C’est le thème principal de The Karate Kid (1984, Etats-Unis), où le jeune Daniel apprend que le karaté transcende la simple autodéfense ; il s’agit avant tout d’une voie vers la maîtrise et la découverte de soi.

On retrouve également ce thème dans :

  • De toutes nos forces (2013, France), l’histoire d’un père et de son fils handicapé participant ensemble à l’Ironman de Nice.
  • Les Petits Princes (2013, France) qui suit le parcours d’un jeune talentueux qui intègre un centre de formation de football prestigieux tout en cachant un secret qui pourrait mettre en péril non seulement sa carrière sportive mais aussi sa santé.
  • Le Grand Bain (2018), écrit par Gilles Lellouche , Ahmed Hamidi et Julien Lambroschini, qui raconte l’histoire de sept hommes aux parcours de vie cabossés qui vont reprendre goût à la vie en s’investissant dans leur équipe de natation synchronisée. 

  • Il Campione (2019, Italie) qui raconte le combat d’un jeune footballeur talentueux qui doit apprendre à gérer sa vie en dehors du terrain, marquée par des excès et des comportements autodestructeurs

Dépassement de soi et résilience (étude de cas : les films de boxe)

Ce qui compte, c’est pas la force des coups que tu donnes, c’est le nombre de coups que tu encaisses tout en continuant d’avancer. Ce que t’arrives à endurer tout en marchant la tête haute.” – Rocky Balboa

Pour aborder le thème de la quête personnelle, du dépassement de soi et de la résilience, un sport se distingue particulièrement dans l’histoire du cinéma : la boxe.

Entre 1930 et 1995, aux Etats-Unis, c’est le sport le plus représenté à l’écran avec 1402 films, bien loin devant le football américain (seulement 87 films).

Les raisons pour lesquelles la boxe est le sport le plus représenté dans les thèmes du dépassement de soi et de la résilience sont profondément ancrées dans la nature du sport lui-même et dans la manière dont il résonne pour les spectateurs :

  • La boxe, par sa nature individuelle et son combat direct, est une métaphore puissante de la lutte personnelle. Chaque boxeur monte sur le ring seul, faisant face non seulement à son adversaire mais aussi à ses propres peurs, doutes et limites.
  • La boxe offre une illustration visuelle et dramatique de la résilience. Les boxeurs sont littéralement frappés à terre et doivent choisir de se relever ou non.
  • La boxe est réduite à sa forme la plus simple : deux combattants, un ring, un combat. Il n’y a nulle part où se cacher et aucun équipement sur lequel compter, ce qui rend le succès ou l’échec profondément personnel.
  • La boxe a, historiquement, été un sport accessible aux communautés marginalisées et aux individus issus de milieux défavorisés, offrant des histoires inspirantes.

Ainsi, Charlie Chaplin devient champion de boxe par hasard dès 1915 dans Charlot boxeur.

Par la suite, trois des films notables sur la boxe dépeindront le boxeur comme un héros tragique, luttant contre les défis de la pauvreté, de la corruption et le destin lui-même :

  • Gentleman Jim (1942), raconte les débuts de la boxe moderne à travers la figure de James J. Corbett (interprété par Errol Flynn), un des premiers “gentlemen” de la boxe.
  • Body and Soul (1947, Etats-Unis), réalisé par Robert Rossen, qui explore la lutte intérieure de Charlie, entre son désir de succès et les pressions extérieures l’incitant à compromettre ses valeurs. Ce film connaîtra un remake en 1981.
  • Marqué par la haine (1956, Etats-Unis), film biographique sur le boxeur Rocky Graziano (interprété par Paul Newman), explorant la pression et les attentes placées sur les athlètes pour réussir.

En parallèle, une tradition de films de boxe se dessine en France durant cette même période.

Dès 1942 sort Le Grand Combat, réalisé par Bernard-Roland, qui raconte la tragédie de Victor, entraîneur de boxe, qui cherche à tout prix à se venger de K.O. Bouillon qui a tué sur le ring un de ses poulains.

Puis en 1954, L’Air de Paris, réalisé par Marcel Carné, raconte l’histoire d’un ancien boxeur, Victor Le Garrec (interprété par Jean Gabin), qui dirige une salle d’entraînement et rêve de découvrir un « poulain » qui deviendra champion et réalisera les ambitions que lui-même n’a pu tenir.

Ces films ont établi un modèle pour de nombreux films de boxe qui ont suivi, liant les combats des boxeurs sur le ring à leurs luttes en dehors du ring.

Les héritiers de cette lignée ont chacun apporté un nouvel angle au fil des décennies :

  • Le réalisme accru des années 60-70 qui utilise la boxe comme une métaphore de la lutte personnelle et sociale. Dans cette vague de films on peut citer Rocco et ses frères (1960, France et Italie), réalisé par Luchino Visconti, où la boxe donne l’espoir d’une ascension sociale, Fat City (1972) réalisé par John Huston, offrant un regard sans concession sur le monde de la boxe professionnelle à travers les yeux de deux boxeurs à des stades différents de leur carrière, et qui culmine avec Raging Bull (1980) réalisé par Martin Scorsese.
  • Avec Rocky (1976) et ses nombreuses suites dans les années 80, la boxe au cinéma marque une rupture avec le courant réaliste (parfois cynique), et devient synonyme de rédemption, de persévérance et du rêve américain. Cette représentation de la boxe plus mainstream est un succès planétaire et remet la boxe au goût du jour, malgré ses détracteurs qui qualifie sa représentation du sport “fantaisiste” comme l’écrit3 David Ansen dans le magazine Newsweek en 1979.
  • Puis les années 2000 avec Million Dollar Baby (2004), The Wrestler (2008) ou encore Southpaw (2015) utilisent la boxe comme un prisme à travers lequel explorer des questions sociales plus larges, y compris la santé mentale, les traumatismes et la redéfinition du succès et de l’identité.

  1. Sparkes, A. C. (1998). Narrative Analysis: Exploring the What’s and How’s of Personal Stories. L’auteur examine comment les récits personnels dans le sport peuvent représenter des luttes internes et des transformations, soulignant la nature métaphorique de ces luttes. ↩︎
  2. Demetrius W. Pearson, et al., “Sport Films: Social Dimensions Over Time, 1930-1995.” ↩︎
  3. Ansen, David (August 6, 1979). « A Locker Room with Soul », Newsweek ↩︎
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Scénariste et autrice, Pauline Mauroux est responsable éditoriale de la Revue de la Cité. Elle est également la créatrice de « tchik tchak, la newsletter sur l’écriture ».


  1. Sparkes, A. C. (1998). Narrative Analysis: Exploring the What’s and How’s of Personal Stories. L’auteur examine comment les récits personnels dans le sport peuvent représenter des luttes internes et des transformations, soulignant la nature métaphorique de ces luttes. ↩︎
  2. Demetrius W. Pearson, et al., “Sport Films: Social Dimensions Over Time, 1930-1995.” ↩︎
  3. Ansen, David (August 6, 1979). « A Locker Room with Soul », Newsweek ↩︎

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